Notre humour dit-il quelque chose de notre santé mentale?
Humour et santé mentale, voici un article de slate.fr sur le sujet.
Que vous en ayez ou pas, les types d’humour ne manquent pas. Quand certains se tordent de rire face à la chute maladroite d’un ami, se bidonnent sur des mèmes sarcastiques, des vidéos de chats rigolos ou devant un film comique, d’autres préfèrent rire d’eux-mêmes, quitte à se rabaisser, le tout pour faire rire la compagnie.
C’est un fait: nous ne rions pas tous de la même chose. En cela, l’humour est un puissant marqueur de notre personnalité. Au point d’en dire long sur notre santé mentale? Notre style d’humour, celui que l’on utilise quotidiennement pour faire rire, pour créer du lien social, en dit-il plus sur nous-mêmes que nous ne l’imaginons?
Quatre styles d’humour
Parmi les quelques études sur le sujet, une œuvre phare nous apporte un éclairage intéressant sur les différences individuelles dans les styles d’humour mobilisés par chacun. Publié en 2003 dans le Journal of Research in Personality, le Humor Styles Questionnaire (HSQ) de Rod A. Martin, ancien professeur de psychologie à l’Université Western Ontario, fait encore aujourd’hui office de référence en la matière.
Cette étude a un objectif simple: déterminer les différentes façons dont nous manions l’humour dans la vie de tous les jours et observer en quoi cela peut être un bon indicateur de notre bien-être psychologique. Rod A. Martin et son équipe de recherche ont ainsi découvert que l’humour pouvait se décliner en quatre types: l’humour affiliatif, d’auto-amélioration, agressif et enfin autodestructeur.
Commençons par l’humour affiliatif, qui est sans nul doute le plus courant. Les chercheurs le décrivent comme un humour autour de blagues qui pourraient être considérées comme universellement drôles. Bienveillant, il permet de faire rire tout en facilitant les relations entre les personnes.
Dans la même veine, l’humour d’auto-amélioration est celui auquel certains recourent pour rire d’eux-mêmes face à leurs galères, sans se dévaloriser et en restant constructifs. Ils maintiennent alors une attitude positive dans une situation négative, en riant des absurdités de la vie, nous apprend le magazine Discover. Un exemple? Quand vous racontez sourire aux lèvres la fois où vous avez envoyé par erreur «Bonjouir» au lieu de «Bonjour» à votre patron lors de votre tout premier échange par mail. (Oui, ça sent le vécu).
A contrario, l’humour agressif et l’humour autodestructeur peuvent indiquer un certain mal-être. Quand le premier est utilisé pour rire aux dépens des autres, en dénigrant à tour de bras, le deuxième correspond à la manière dont certains se rabaissent pour faire rire leur entourage, en devenant eux-mêmes la cible des blagues.
Vous l’aurez compris, les deux premiers types d’humour observés dans cette étude sont présentés comme des indicateurs de bien-être, ce qui est moins le cas des deux autres. Heureusement, la réalité n’est pas aussi manichéenne que cela.
Et vous, quel est votre humour?
Pas de panique: nous ne sommes évidemment pas liés corps et âme à un de ces quatre types. Notre sens de l’humour oscillerait entre eux pour confectionner un mélange qui nous est propre, une combinaison unique. Malgré tout, certaines personnes tendraient davantage vers l’un ou vers l’autre de ces types d’humour, ce qui, d’après les scientifiques, révèle l’état de leur santé mentale.
Dans le magazine Discover, Julie Aitken Schermer, chercheuse en psychologie à l’Université Western Ontario, explique que ceux qui pratiquent l’humour d’auto-amélioration peuvent «se remonter le moral en pensant à des événements [et] expériences positives ou amusantes». En outre, ils montreront moins de signes de dépression et de solitude.
La chercheuse est plus inquiète à propos des styles d’humour agressif et autodestructeur. Les individus qui y recourent régulièrement seraient plus susceptibles de s’automutiler. Elle tire notamment la sonnette d’alarme concernant le type autodestructeur, le plus préoccupant des humours selon elle, car il va de pair avec le sentiment de ne pas avoir d’importance, tout en exprimant des signes de solitude –ce qui n’est pas le cas de l’humour agressif, qui s’appuie sur une dynamique de groupe.
Utiliser l’humour de façon positive, à l’instar des deux premiers types, présente de multiples bénéfices, dont certains peuvent être surprenants. Par exemple, cela aurait des conséquences directes sur notre mémoire et la façon dont nous nous représentons le passé.
En tant qu’humains, nous sommes capables de penser notre passé, notre présent et notre futur tout en imaginant des détails à l’intérieur de ces représentations mentales, observe The Conversation. Quel rapport avec le sujet? me direz-vous. Cette capacité serait en fait étroitement liée à notre sens de l’humour.
Les scientifiques ont prouvé que les personnes mobilisant au quotidien l’humour de façon positive se remémorent également le passé de façon positive, contrairement à ceux qui ont tendance à faire de l’humour un moyen d’autoflagellation. Ces derniers ne voyageraient presque que dans des mauvais souvenirs, en ressassant sans cesse les erreurs passées. Une situation qui n’est pas non plus sans conséquence sur la santé mentale.
Rire, le meilleur des remèdes
Alors que le monde traverse une période sombre et tourmentée, il est peut-être d’autant plus important de manier l’humour, toujours de façon positive, mais sans modération! Car l’adage selon lequel le rire est le meilleur des remèdes n’est pas trompeur: ses effets sur le corps humain sont impressionnants.
Rire libère de la dopamine, un neurotransmetteur qui, en plus de signaler le plaisir, améliore la circulation sanguine, la réponse immunitaire, la tolérance à la douleur et pourrait même raccourcir les séjours à l’hôpital, rapporte le New York Yimes. Et ce n’est pas tout. S’esclaffer, se marrer, se bidonner –dites-le comme vous voulez– libère du monoxyde d’azote, une molécule qui détend les vaisseaux sanguins, réduit la pression artérielle et diminue la coagulation. En outre, rire permet de vivre plus longtemps. Que demander de mieux?
Une étude a même révélé que regarder la série comique Friends avait le pouvoir de réduire l’anxiété, davantage encore que le simple fait de se reposer, ajoute le média américain. Voilà une potentielle explication à notre binge-watching de séries comiques pendant les confinements successifs.
L’humour sain n’est donc pas seulement un indicateur de la santé mentale, il constitue aussi un excellent moyen de résister physiquement et mentalement en temps de crise. Encore une fois, rien n’est figé: si vous avez tendance à recourir à des types d’humour présentés ici comme négatifs, il est tout à fait possible de cultiver une autre facette de vos plaisanteries –tout en amusant la galerie.
Source de cet article sur l’humour et la santé mentale : Notre humour dit-il quelque chose de notre santé mentale? | Slate.fr